LES LIÈVRES COURRENT DANS LA MER, ET LES SARDINES DANS LA MONTAGNE


Quelques connaissances que ne nous donnent pas les publicités

L'Oméga 3 (Ω3) est un acide gras polyinsaturé (bon cholestérol). Il est essentiel pour notre vie et nous l'obtenons par exemple à partir du sésame, des noix ou du poisson gras. Concernant certains niveaux de cholestérol salutaires, le plus intéressant est la proportion Ω6/Ω3 (l'oméga 6 est une autre graisse polyinsaturée); on recommande qu'elle se situe au maximum entre 4 et 1.

Les étiquettes du lait que nous trouvons dans les magasins parlent seulement de "graisse". Les laits enrichis en Ω3 font la différence entre les graisses mais n'indiquent pas la proportion Ω6/Ω3.

Plusieurs études scientifiques montrent que le lait de vaches qui paissent dans les prés ou qui mangent de l'herbe fraîche contient la proportion Ω6/Ω3 recommandée, alors que celle des vaches avec une quantité élevée de nourriture concentrée pour bétail dans leur diète possède trop d'Ω6 contre peu d'Ω3, et une proportion de graisses saturées plus importante
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Logiques partielles, bêtise globale

La logique qui donne lieu à des aliments fonctionnels comme le lait enrichi en Oméga 3 est implacable. Voyons. Il existe une sensibilité commerciale envers les graves problèmes de santé liés à la consommation excessive de graisses saturées. Le lait est un aliment contenant de la graisse (saturée et insaturée), ensuite je l'écrème et j'élimine tout type de graisses. La graisse, je la vends ou je l'utilise dans d'autres produits (crèmes et beurres).2 Étant donné la nécessité de différenciation actuelle, le fait de seulement l'écrémer n'est pas suffisant. Et si j'y ajoutais du bon cholestérol? Je retire l'Ω3 du poisson gras, je l'ajoute au lait écrémé standard et voilà : nous obtenons un lait qui n'est non seulement pas mauvais pour le cholestérol mais qui est bon.

Est-ce sûr ? La vision de divers experts consultés se résume à ceci: la plupart du temps il n'a pas été démontré que la dose d'enrichissement, ni le produit enrichi soient la voie la plus adéquate pour atteindre l'objectif visé.3 Et ce débat se termine finalement par la relativisation: rien n'est vrai ni faux, tout dépend de la couleur du verre à travers lequel on regarde.

Mais allons au-delà de ce débat. Si nous voulons du lait sans graisse mais avec suffisamment d'Ω3, pourquoi l'industrie continue d'exiger aux éleveurs de hauts niveaux de graisse générique, en encourageant ainsi l'utilisation de nourriture pour animaux à un niveau de concentration élevé et qui déséquilibre la proportion Ω6/Ω3? Pourquoi un éleveur qui garde des troupeaux dans les pâturages et donc produit du lait avec une bonne proportion Ω6/Ω3 est pénalisé économiquement parce que son lait contient peu de graisse saturée? Pourquoi parle-t-on des graisses comme si elles étaient toutes les mêmes, en plein XXIème siècle? Pourquoi avec les problèmes de cholestérol actuels on continue de recommander trompeusement une consommation excessive de produits laitiers?

La "logique implacable" dont on parlait paraît être une logique partielle qui n'est valable que dans le département marketing. Une logique qui considère le produit comme un objet démontable pour lequel on peut enlever ou ajouter des pièces et non comme le résultat d'un processus depuis la terre et l'animal. En fait, durant l'enquête, nous avons perçu un désintérêt ou une surprise de la part de la majorité des experts consultés (éleveurs, industrie, chercheurs) concernant la manière de travailler les qualités du produit final à partir de l'alimentation animale. Et dans cette logique partielle dans laquelle apparaît l'alimentation fonctionnelle qui considère la santé et le régime alimentaire de façon segmentée: "cet aspect de la santé a un rapport avec cette substance nutritive, si j'en prends à des doses abondantes, je couvre mes besoins".

En segmentant les processus en cherchant uniquement des logiques partielles, des bêtises globales apparaissent : la société du cholestérol global, avec des laits enrichis lucratifs de grandes vaches appauvries et avec des prés et des villages vides. Une logique qui ne nous laisse pas voir que l'Oméga 3 des sardines court déjà à travers les montagnes. Pourquoi ne le voyons-nous pas?



1. Plusieurs études, L'Institut Puleva Omega 3 (Espagne) a connaissance de l'occurrence de ce phénomène, bien qu'elle altère l'importance de la qualité des graisses du lait à travers le fait qu'elles se perdent toutes lorsqu'il est écrémé.
2. L'Espagne exporte la graisse de lait parce que l'on exige d'important niveaux de graisse aux éleveurs mais nous consommons peu de beurre et de crèmes.

3.Chercheuse en nutrition à l'Institut du Froid du Conseil Supérieur de Recherches Scientifiques en Espagne.